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Poèmes de Corée

Mon coeur comme la bleue montagne, leur affection comme la verte eau
Si l’eau suit son cours, la montagne reste inchangée
Et l’eau regrette continuellement la montagne en s’en allant

– Hwang Jin Yi –

 

Cela fait quelque temps que je souhaite écrire sur Hwang Jin Yi (황진이), l’une des Gisaeng (기생) les plus connues aujourd’hui. Ayant mis un peu de temps à me documenter, je l’avais quelque peu mise de côté. Et puis mieux vaut tard que jamais, voici quelques lignes pour découvrir Hwang Jin Yi, artiste du Joseon, star du Hallyu avant l’heure.
Je n’ai pas vu le film avec Song Hye Kyo (2007), mais le drama de 2006 fait partie de mon top 5 des séries. Véritable hommage aux arts folkloriques coréens, on y découvre la danse, les instruments traditionnels, le SiJo (시조) le poème traditionnel en trois vers… Par ailleurs, en ouvrant la porte des GyoBang (교방), les maisons des courtisanes de la période Joseon, on en apprend plus sur leur apprentissage, leur culture, leur vie, tout en découvrant de superbes HanBok (한복), nom de la tenue traditionnelle des femmes.

Hwang Jin Yi Poster2

 

C’est un drama que je recommande à toute personne hésitante à commencer un drama historique. Suffisamment romancé pour que ce soit divertissant, suffisamment fidèle à l’histoire pour que ce soit instructif, loin des guéguerres politiques compliquées à suivre pour un novice, et loin des crêpages de chignon des concubines royales vus et revus. D’autant plus que la réalisation est superbe, la bande son est magique, et la performance de l’actrice principale, Ha Ji Won (하지원), est extraordinaire, l’ensemble permettant de donner vie à une Hwang Jin Yi maintenant légendaire.

Synopsis

Le drama retrace la vie et les amours de Hwang Jin Yi, considérée comme la plus grande artiste du Joseon. Fille illégitime d’un noble, elle est condamnée à vivre en héritant de la caste de sa mère, une courtisane. Sa mère, pour la protéger la confie à un temple bouddhiste, mais elle ne pourra pas échapper à son destin puisqu’il s’avère qu’elle a un don inné pour les arts.

 

Avant de revenir sur l’histoire de la vraie Hwang Jin Yi, je dois faire un préambule pour parler de la courtisane du Joseon et de son statut.

Durant la période Joseon, les GiSaeng (기생 – à traduire par « vie vendant son corps« ) ou GiNyeo (기녀 – à traduire par « femme vendant son corps« ) font partie de la classe la plus basse dans la hiérarchie de la société. Comme les esclaves, elles sont enregistrées dans les registres du gouvernement, et ne peuvent donc échapper à leur destinée. Qui plus est, c’est un rang social qui est héréditaire, et une fille de GiSaeng est automatiquement inscrite dans le registre.

La GiSaeng est bien entendue une femme vendant son corps, mais dire qu’elle ne fait que ça serait très réducteur. C’est une femme qui sait lire et écrire, ce qui est exceptionnel pour quelqu’un de sa classe, elle maîtrise les instruments, le chant, la danse et la poésie, et c’est un des seuls moyens pour une femme d’exercer dans les arts à un niveau national. Enfin, certaines pratiquaient également la médecine, et les EuiNyeo (의녀), femmes médecins étaient considérées comme des GiSaengs.

HwangJinYi_danse

Elles entrent au GyoBang (교방) ou GiBang (기방) à un jeune âge pour apprendre l’ensemble des arts. Les jeunes filles, si elles ne sont pas filles de GiSaeng, sont des enfants vendus par leurs parents, et très occasionnellement des filles qui choisissent cette carrière. Une fois leur éducation terminée, elles peuvent commencer à servir le vin, et passer des nuits avec les visiteurs du GyoBang. Ces derniers sont des personnes fortunées ou de hauts fonctionnaires (ou les deux), et les courtisanes se doivent d’avoir une excellente culture pour converser librement avec eux. On raconte d’ailleurs que nombreux conseils étaient données sur l’oreiller par les GiSaeng, et que leur influence était énorme.

L'éducation au GyoBang

L’éducation au GyoBang

Malgré leur rang social, les GiSaeng les plus populaires pouvaient amasser de nombreuses richesses grâce aux présents offerts par leurs amants, leur permettant de devenir très fortunée, pour éventuellement racheter leur liberté, comme les esclaves, sous le patronage d’un haut-fonctionnaire.

Leur carrière s’arrêtait dans la trentaine. Pour les plus talentueuses, elles accédaient au rang de HaengSu (행수) et prenaient en charge l’éducation des apprenties d’un GyoBang. Les plus chanceuses pouvaient espérer devenir concubines de nobles, mais pour la plupart, elles ouvraient des auberges ou des tavernes avec l’argent amassé pendant leur exercice.

 

On sait peu de choses de Hwang Jin Yi. Les poèmes qu’elle a écrit ont malheureusement été, pour la plupart, perdus lors d’une invasion japonaise au 18ème siècle.

Elle serait née aux alentours de 1506. On raconte qu’elle était la fille illégitime du clan Hwang (une famille noble) de la ville de GaeSeong (개성), actuellement située en Corée du Nord. Sa mère aurait été une GiSaeng ou une femme du peuple, aveugle, à la beauté légendaire. La raison pour laquelle Jin (son vrai nom, transformé avec le temps en Jin Yi) serait devenue GiSaeng est tout autant incertaine. Si sa mère était courtisane, cela aurait fait de Jin automatiquement une courtisane. Une autre histoire (spoiler), contée dans le drama, raconte qu’un jeune homme de rang noble serait tombé amoureux de Jin, mais qu’il dut faire face à l’impossibilité de l’épouser et en mourut de tristesse. Deux interprétations suite à cela : Jin aurait décidé de rentrer au GyoBang soit parce qu’elle aurait compris l’emprise qu’elle pouvait avoir sur les hommes, soit parce que trop triste, elle décida de ne plus jamais ouvrir son coeur;

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Ha Ji Won en jeune Hwang Jin Yi, avec son premier amour interprété par Jang Geun Seok.

Elle y serait rentrée enfant, et déjà très jeune, sa beauté et son talent était connus dans tout le pays. Sans maquillage et à peine coiffée, elle faisait quand même de l’ombre à ses camarades, et son talent pour le chant et la poésie l’avait rendue célèbre jusqu’en Chine. Avant 15 ans, elle avait déjà maitrisé la plupart des grands textes du confucianisme et du néo-confucianisme et pouvait converser facilement sur le sujet et tenir tête à des érudits.

Quelques unes des magnifiques tenues portées par Ha Ji Won dans le drama. Selon la légende, la véritable Hwang Jin Yi portait plutôt des tenues simples et très peu de maquillage, pour mieux faire ressortir sa beauté en comparaison des autres GiSaeng.

Quelques unes des magnifiques tenues portées par Ha Ji Won dans le drama.
Selon la légende, la véritable Hwang Jin Yi portait plutôt des tenues simples et très peu de maquillage, pour mieux faire ressortir sa beauté en comparaison des autres GiSaeng.

Malgré son bas rang social et sa condition de femme, elle n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait, et s’exprimait très librement devant des haut-fonctionnaires de l’état, son insolence lui étant pardonnée grâce à sa beauté, son charisme, son esprit et son intelligence.

Adulte, elle était connue sur tout le territoire sous le nom de Myeong Wol (명월, trauduction : brillante lune). Elle excellait dans la poésie et la pratique du GeoMunGo (거문고) un instrument traditionnel. Les nobles se vantaient d’avoir passé une nuit avec elle, et en parallèle, elle prenait un malin plaisir à séduire des hommes impossible à séduire et clouer le bec de nobles trop orgueilleux.

Dans ses conquêtes, on peut citer JiJokSeonSa (지족선사) surnommé le Buddha vivant, et ce à deux reprises, Byuk Gye Soo (벽개수) appartenant à la famille royale, ou encore un musicien du nom de Lee Sa Jong (이사종) dont s’inspire sans doute le drama. Enfin, elle se mit également au défi de séduire Seo Keyong Deok (서경덕), un érudit de haut rang, connu pour sa moralité. En voyant qu’il ne céderait pas, elle devint son élève en lettres, ce que Seo accepta avec plaisir tant il respectait son talent pour les mots.

On sait peu de choses de la fin de la vie de Hwang Jin Yi. Elle serait morte vers 1567. Malheureusement, après sa mort et ce pendant plusieurs siècles, elle devint un symbole de débauche et ses poèmes et sa musique furent largement mis de côté. Il faudra attendre le 20ème siècle pour que les historiens et les littéraires le remettent à l’honneur, et la reconnaissent comme parmi les plus grands artistes de la période Joseon. La dimension artistique et l’émotion retranscrite dans ses SiJo sont largement acclamés même aujourd’hui, et est encore salué le degré de perfection de ses vers. Elle écrivait beaucoup sur les paysages, mais ses plus beaux poèmes restent ceux se languissant d’un ancien amant.

 

Je tente de partager quelques poèmes ici, même si elle se retournerait dans sa tombe en voyant ma médiocre traduction. (Je ne saurais citer la véritable source de ces illustrations tant je les ai trouvées sur des sites différents, mais elles sont probablement issues de KBS directement.)

 

poem1

Je plie en deux la hanche de cette longue nuit d’hiver,
La glisse délicatement sous un linge de vent de printemps
Pour la tendre amoureusement la nuit où mon amour viendra

 

Voici le poème qu’elle utilisa pour séduire l’orgueilleux Byuk Gye Soo, membre de la famille royale. Ce dernier avait déclaré ne jamais se laisser séduire par Hwang Jin Yi. Celle-ci vint le chercher et chanta d’une voix qui le fit tomber de son âne. Après l’avoir rendu fou d’elle, elle l’envoya balader et on raconte qu’il aurait fait une obsession sur le fait de la reconquérir. Je laisse la version originale en HanJa.

poem2

靑山裏碧溪水 (청산리벽계수)
莫誇易移去 (막과이이거)
一到滄海不復還 (일도창해부복환)
明月滿空山 (명월만공산)
暫休且去奈何 (잠휴차거나하)

Honorable Byuk Gye Soo
Ne te vante pas de partir si facilement
Une fois parti en mer, il te sera difficile de revenir
Lorsque la brillante lune est au dessus de la montagne vide
Que dis-tu de faire une courte pause

 

So Sae Yang (소세양), un noble prétentieux avait parié qu’il pouvait passer 30 jours avec Hwang Jin Yi et la quitter sans aucun remord, car il n’était pas convenable pour un homme de vivre sous l’influence d’une femme. Si il restait une nuit de plus, ses amis pouvaient ne plus le considérer comme un homme. A nouveau, Hwang jin Yi vint le chercher et après 30 jours passés ensemble, ils partagèrent du vin dans un kiosque. So Sae yang, surpris par le silence et la nonchalance de Jin Yi lui demanda de lui réciter un poème. C’est ce poème qu’elle improvisa et à son écoute, il déclara qu’il n’était plus un homme puisqu’il devait rester au moins une nuit de plus avec la courtisane. Evidemment c’est Hwang Jin Yi qui lui tourna le dos. Je laisse également la version originale en HanJa.

月下庭梧盡 (월하정오진)
霜中野菊黃 (상중야국황)
樓高天一尺 (루고천일척)
人醉酒千觴 (인취주천상)
流水和琴冷 (유수화금냉)
梅花入 笛香 (매화입적향)
明朝相別後 (명조상별후)
情與碧波長(정여벽파장)

Sous la lune, les feuilles de paulownia fanent et tombent
Malgré le givre, les chrysanthèmes ouvrent leurs pétales jaunes
Le kiosque est si haut qu’il semble atteindre le ciel
Malgré l’ivresse les verres restants sont par milliers
Emportée par l’eau qui coule le GeoMunGo répond froidement
La fleur d’abricot enivré du son de la flûte dégage un parfum délicieux
Demain matin une fois que je vous aurai laissé partir
Mon affection suivra le cours d’eau et s’en ira à jamais

Les chrysanthèmes, la fleur d’abricot et le GeoMunGo représente Hwang Jin Yi, tandis que le cours d’eau représente So Sae Yang.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire ce document très complet (en anglais).

6 commentaires sur “Poèmes de Corée

  1. esperia1985
    10/04/2014

    Merci!! Très instructif! J’aime!^^

  2. bo0ya
    20/04/2014

    C’est rare et pourtant j’adore l’être mais je suis en mode « historique », alors mon premier réflexe a été de venir sur ton blog pour puiser des idées pour mon prochain sageuk (je n’oublierai jamais que c’est grâce à toi et toi seule que j’ai eu la chance de regarder Queen Seon Deok, que je n’aurais jamais lancé sans ta recommandation) et que vois-je ton dernier article parle d’un drama qui est sur ma liste des dramas à voir impérativement ! héhé pas d’hésitation ceci sera mon prochain drama ! =) Le sujet m’intéresse énormément !! Tu en dis que c’est assez romancé mais assez fidele pour apporté quelque chose, je ne demande pas mieux !

    • kcultblog
      22/04/2014

      Ravie d’apprendre que cela t’ait donné envie ! Quand je pense aux heures que tu vas probablement passer à frétiller, pleurer, t’émerveiller en visionnant le drama, je t’envierais presque…
      J’ai hâte de connaître ton avis !
      Merci pour ton commentaire

  3. froger
    06/08/2014

    pour la traduction du premier poème, elle n’est pas bonne je crois je vais te la donner si tu veux :

    « Cette longue nuit de décembre
    Ayant coupé une parcelle
    De ses reins

    Sous la couverture du vent
    De printemps
    L’ayant glissée
    Pli selon pli

    La nuit ou sera venu mon bien-aimé
    Pli selon Pli
    Je la déplierai »

    Je ne suis pas sur mais je penses que c’est celle si 🙂
    Sinon ta page est intéressante, mais je penses qu’il faut préciser que la gisaeng était considéré comme un non-femme ceux qui lui permettait d’assister à des évènements publics, de fréquenter les milieux masculins et de se promener sans contraintes, elle était émancipé.

  4. Tiphaine Jnn
    25/08/2014

    Salut,
    j’aimerais savoir si vous possédiez la traduction en coréen du tout premier poème en haut parce que je ne le trouve pas
    Merci d’avance ^^

  5. Justine
    08/11/2016

    Bonjour, je m’appelle Justine.
    Je fais un orale sur Hwang Jini et j’aimerai beaucoup utiliser votre page comme informatique pourriez-vous m’envoyer vos source

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Cette entrée a été publiée le 05/03/2014 par dans K-History, et est taguée , , .

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